Ces 3-4 premiers jours etaient un peu longs niveau dynamique de groupe : principes ecologiques basiques, culturellement integres pour certains, totalement nouveaux pour d'autres, explication approfondie de l'etat d'esprit "permaculturel" ( le but etant de composer un systeme ou chaque forme de vie puisse equilibrer les autres dans la perennite, afin de ne rien leser, humains, communaute, animaux ou plantes, en prenant exemple sur la nature. En gros, c'est une forme de creation d'une "supernature"), etude des differentes coutumes selon la culture et les origines de chacun, ce qui m'a fait constater que les pays occidentaux sont paradigmatiques en termes de "non-culture moderne", ou, formule autrement, adeptes de la "culture globale".
Interessant de constater qu'au Nepal, selon les castes ethniques et les villages, les us peuvent enormement changer. Il est egalement fascinant de realiser que l'Asie en general fonctionne toujours sur un mode communautaire, meme dans les lieux dits "developpes". Tendance que nous, "Western People", avons totalement abandonnee.
Perdue dans mes reflexions, j'emets l'hypothese que la nature humaine est versatile, impalpable, en constante evolution de par sa nature meme, et, par consequent, insaisissable, car multidirectionnelle. C'est FOU. Bref. Je m'egare.
Aujourd'hui, nous sommes passes aux choses concretes, a savoir recolter le maximum de biodiversite vegetale dans le terrain de la ferme, avant d'avoir droit a une explication en regles de leurs vertus et inconvenients, ainsi que leurs besoin et leurs preferences (eau, chaleur, ombre, soleil, secheresse, sol riche ou pauvre en nutriments ou en sable, etc). Biologie appliquee, tres interessant.
Chaque jour, nous mangeons majoritairement les produits de la ferme.
1) Le matin, vers 7h, nous avons droit a du the, soit du massala prepare avec les epices du jardin (girofle, poivre, cardamome) et le lait frais de la vache, soit du the clair au romarin (du jardin egalement), le tout accompagne de fruits frais (pommes, bananes), parfois d'oeufs (fraichement pondus, cela va sans dire), et d'une mixture en poudre a base de cereales, tres riche, a melanger -ou non- au liquide de notre choix. C'est super nourrissant.
2) Puis, vers les 11 heures, c'est le tour du dhaal bat (riz-lentilles) habituel. Mithu porte bien son nom (Mithu signifie "sweet, good", pour ce qui a trait au gout, a l'odorat ou a l'ouie) : je ne suis toujours pas lasse de manger la meme chose tous les jours. Riz blanc (provenant des champs de la ferme), soupe de lentilles ou pois en tout genre, brocolis, patates, champignons parfois, et yaourt aux fruits et epices en guise de dessert. Le tout produit localement et biologiquement, vous l'aurez compris. :) L'alimentation est si equilibree que manger vegetarien me convient parfaitement. Parfois, il y a de legeres variations dans le menu, genre puree de legumes a base de tomates, ou legumes verts vapeurs style "cotes de blettes" sans la creme, et chaque fois, des pickles (condiments) locaux sont proposes : sauce au citron, "lapsey" (fruit local au gout genre prune-mandarine, tres bon), piments frais...
3) Vers les 16 heures, Mithu nous concocte des "snacks" divers et varies, allant des "pakodas" (beignets locaux de patates ou de legumes, frits dans de l'huile vegetale) au prridge nepalais, en passant par des popcorns (frais, du mais de la ferme) accompagnes de legumes epices, et bien d'autres choses. Le tout descendu avec des litres de the (gingembre, massala, rosemary, lemon...) .
4) Puis, le soir, vers les 19h, le dhaal bat est a nouveau a l'honneur, souvent accompagne d'un verre de lait chaud cremeux et DELICIEUX. Je n'avais pas aussi bien mange, autant, et si equilibre depuis longtemps. Je mange 2 fois plus que d'habitude, mais je ne prends pas de poids, j'ai plutot l'impression d'en perdre (tout le monde va aux toilettes 2 a 3 fois par jour. Notre digestion est grandement amelioree hahaha) !
:) Precision importante : pour VRAIMENT savourer un bon dhaal bat, ne pas utiliser de couverts. Seulement une main (la DROITE s'il vous plait. L'autre sert a l'hygiene. Ici le PQ n'est culturellement pas vraiment integre.) Alban et moi nous battons actuellement pour les dernieres feuilles du rouleau que j'ai acquis a KTM. J'espere qu'il y a un shop qui en vend dans le coin... !).
La premiere fois que j'ai mange de cette maniere, j'ai trouve super dur, m'en mettant jusque dans la paume de la main, sur mon t-shirt, et trichant parfois discretement en m'armant de ma cuillere a the quand personne ne regardait. :)
Mais au bout de quelques essais laborieux, la tache est devenue plus aisee, j'ai fini par choper le truc. Et c'est avec classe et maestria que j'engouffre a present des poignees entieres de nourriture, me servant uniquement de mes 5 doigts, sans qu'une miette ne touche ma paume. Yipeee !
Apres tout, manger avec les doigts est bien plus naturel. Let's go back to basic instincts ! ^^
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J'adore la vie a la ferme. Hier, apres le repas, nous sommes alles visiter les fermes qui nous ete attribuees. Elles seront nos :laboratoires vivants" pour ces prochains jours. But : analyser les besoins, problemes et opportunites inherentes au lieu, proposer des ameliorations ou des solutions, mettre en exergue les capacites ou les lacunes qu'elles ont en matiere d'economie et d'integration sociale, etc. Passionnant. Toutes les fermes font partie de la communaute (brahmane) a laquelle appartient Govinda.
Petite anecdote interessante, de par son statut de Brahmane, Govinda a du passer plusieurs annees a convaincre sa mere qu'avoir des poulets a Hasera serait benefique a l'equilibre de la ferme. Les poules sont aux Brahmanes ce que les porcs sont aux musulmans : des animaux impurs et impropres a la consommation. Toute la famille est vegetarienne (tradition brahmane oblige), mais les poules sont benefiques pour la vache, dont elles nettoient l'etable, et elles produisent quantites d'oeufs qui nous sont servis durs, en omelette ou en "cutlet".
L'objectif de notre presence dans les fermes est donc egalement de faire plus ample connaissance avec leurs habitants afin de tracer quels changements seraient culturellement admis ou pas, et d'effectuer un bref descriptif agricole de l'endroit : quelle surface est cultivee, quele surface est cultivable, comment, quelle est l'orientation du lieu (nord, est, etc), son ensoleillement effectif et potentiel (genre si on coupe des arbres), son agencement, quels produits font-ils pousser et pourquoi, a quel stade ecologique sont-ils (usent-ils encore de produits chimiques, pour quelles raisons, les reduisent-ils, quelle est leur sensibilite ecologique et sanitaire) ...
C'est fou a quel point les Nepalais sont naturellement chaleureux. La famille de Yamuna notre "farmer") nous a accueilli comme si c'etait normal que 3 etrangers integrent leurs vies durant 10 jours, posant des questions tres personnelles genre "quelles sont vos relations avec votre voisinage", "avez-vous des soucis de sante", "pourquoi restez-vous dans cette ferme" ...
En rentrant, nous avons fait des jeux et je me suis fait mal au dos et aux muscles des cuisses en disputant une partie de limbo tres serree organisee par Jon. Contorsions, pyramide humaine, gym artistique nocturne, barres de rires.
Le groupe commence vraiment a s'homogeneiser. Alban et moi sommes traites comme des amis de toujours par ces 10 Nepalais qui agissent entre eux depuis le debut comme les membres d'une grande famille. En quelques jours, nous sommes devenus une micro-communaute. Le teambuilding de base exerce regulierement par Govinda n-y est pas forcement pour quelque chose. La maniere dont il s'y prend manque, a mon sens, de subtilite. Mais bon, cette impression n'est peut-etre qu'un relent cynique de mon experience de street fundraising, ou j'ai soupe du "teambuilding" a haut niveau durant presque 2 ans...
Aujourd'hui, avant d'aller visiter nos fermes, nous avons eu droit a des exercices pratiques, allant dans les differents "crops" de Hasera, et devant selectionner des plantes suffisamment bonnes pour donner des graines viables et plantables. C' est a la fois tres subtile, et tres concret. J'adore ! Puis, Govinda nous a donne un cours plutot theorique sur l'agriculture biologique et ses normes selon les differents pays. Plus que passionnant : CAPTIVANT ! Par exemple, en Suisse, les memes machines sont utilisees pour l'agriculture chimique et biologique, en raison de l'attention constante portee au lavage desdites machines, qui est effectue tres consciensieusement et de maniere a eliminer toute trace de produit "non-naturel". En inde, des outils differents doivent etre utilises car la-bas, ils sont bien moins regardants lors du nettoyage.